E N T A S I S
“ … Depuis
plus de cent ans, Goya semble nous demander : Comment tout cela a-t-il
fini ? Finalement, quand tout ce qui est humain sera sacrifié au nom de
l´humanité, il restera ce chien terrorisé, perdu dans une immensité confuse sur
laquelle encore aujourd´hui s´interrogent les spécialistes en art … “
Antonio SAURA
“ Tout a été dit, tout
a été fait. “ On entend ce topoï partout, et
notamment dans les revues d´art, les publications spécialisées, lors des
biennales, dans les galeries d´art.
“ Tout“ est
alors synonyme de déception, sous les projecteurs dépressifs des regards
superficiels.
Si, au XXIe siècle les arts visuels peuvent encore
être caractérisés comme une spéculation, comme
l ´élément spectaculaire de la Societé des apparences, ce que cache cette déception, c´est la nostalgie d´un âge d´or, d´une utopie dédiée à un art universel finalement remplacé par un autre médiatique et global.
l ´élément spectaculaire de la Societé des apparences, ce que cache cette déception, c´est la nostalgie d´un âge d´or, d´une utopie dédiée à un art universel finalement remplacé par un autre médiatique et global.
Imprégnés de l´idée que notre monde mute en monde < One Way > surchargé de consignes, de diktats
impératifs qui fonctionnent comme de nouvelles inquisitions, il ne serait plus
possible de “ créer“ sans forger de nouveaux signes
communicationnels. Sans retour en arrière possible, sans rémission, sans
possibilité d´effacer le chemin parcouru , sans lieu pour déposer les nouveaux
gravats. Mais que faire de la contemplation ? du temps de la contemplation ?
du plaisir de la présence ?
Sans adopter
une position fondamentaliste, une question se pose au peintre : que se
passe-t-il avec la présence ? Or l´image est une présence, et elle agit
avec cette présence.
Depuis les
origines de l´expression graphique – la connait-on seulement ? -, l´humanité a construit une longue marche
d´images qui agissent. Altamira, Lascaux,
Niaux ont été
crées non pas pour nous différencier des bêtes mais de la bestialité de
l´Homme.
Grâces soient
rendues aux maîtres qui se sont obstinés à transmettre. Ils nous convoquent,
nous offrent la connaissance acquise de l ´experience, la vision de leur monde
forgée dans l´urgence d´une praxis qui crée un point de rencontre atemporel
avec nous. C´est cela même que nous pouvons qualiffier de communication
authentique. Rembrandt, Velázquez, Goya, Monet, Matisse, Picasso, Hartung,
Fontana, Soulages, Boltanski, n´ont probablement rien fait d´autre.
Pour autant,
la toile vierge n`a pas changé de nature : elle est una trame originale,
la surface riche d´infinis possibles, un écran pixélisable indéfiniment. Elle
est de nature à nous transmettre de multiples informations sensorielles,
cognitives, émotionnelles qui agissent simultanément. Qui est reconnaissable
car déjà vu ? Qu´est-ce qui est surprenant car inédit ?
Pour nous,
tout reste donc à faire. Nous pouvons penser qu´une peinture actuelle
-indifférente
au spectaculaire – promeut nécessairement la nature intime de la création.
Cette intimité
– et non cet égotisme – est de nature à nous faire vaciller entre l´extase et
l´entasis (le renflement de la réjouissance) et à mettre en évidence la viscéralité,
la
La résistance,
l ´imprécision de l´acte, la spiritualité…
D´autant plus
que l´artiste – s´il a une longue trajectoire- parcourt à son gré l ´ histoire
de l ´art, de la peinture dont, entre parenthèses, il n`existe pas de
définition gravée dans le marbre.
Il n´est pas
nécessaire d´inventer pour créer.
Cette exposition
est le fruit d´une rencontre de trois artistes qui arrivent d´ Outre-Mer –
d´ une autre
mère-matrice, si on se laise jouer avec les mots.
Une sélection
de textes de trois grands écrivains contemporains argentins met en exergue les
reproductions des œuvres. Ils
sont d´ Ernesto Sabato, Julio Cortázar et Leopoldo Marechal. Ils
expriment une foi renouvelée dans la création et ses posibles. Il vous reste à
déceler les vertus qui unissent ces créateurs.
Guillermo
CUELLO / Entasis / Expo à Saint-Étienne / France
Texte aux
Éditions Le Réalgar.
P. S. : Grand
Merci à Sandra Sanseverino et Carlos Puyol.